L’anguille, une espèce menacée
L’anguille nait et meurt dans la mer des Sargasses. Située non loin du triangle des Bermudes, au nord-est des Antilles, la mer des Sargasses est en fait une zone de l’océan Atlantique. La seule mer au monde qui ne soit pas entourée de côtes. Les eaux y sont salées et chaudes même à 1 000 m de profondeur. Des conditions idéales pour le développement et l’éclosion des œufs d’anguilles. « Elles auraient pu trouver plus près comme lieu de rendez-vous », pensez-vous. En fait, il y a des millions d’années, c’était plus près ! Depuis, les continents ont dérivé, l’Amérique et l’Europe se sont éloignés, le périple des anguilles s’est quant à lui allongé. C’est du moins la seule explication dont disposent les scientifiques pour l’instant.
L’anguille européenne est une espèce migratrice, c’est-à-dire qu’elle doit se déplacer pour accomplir son cycle de vie. Elle croît dans les cours d’eau et, une fois sexuellement mature (anguille argentée), retourne dans l’Atlantique pour se reproduire. Elle accomplit donc une migration vers l’amont (dite migration de montaison) pour trouver des zones propices à sa croissance (eaux de bonne qualité, proies, caches…). Lorsqu’elle est suffisamment grosse et adulte, elle migre vers l’aval profitant des petites crues. « Que de beaux voyages » diriez-vous, s’il n’y avait plein d’embuches :
- l’inaccessibilité de certains cours d’eau suite à l’édification d’ouvrages en travers;
- l’exploitation par la pêche qui touche tous les stades de vie ;
- les mortalités dues à l’entraînement dans les turbines des usines hydroélectriques lors du retour vers l’océan ;
- la disparition des habitats favorables ;
- la dégradation de la qualité de l’eau.
Après avoir subi un brusque effondrement dans les années 80, la population d’anguilles européennes poursuit son déclin, à tel point qu’on la considère aujourd’hui en danger critique d’extinction. Le 31 décembre 2008, après une concertation avec l’ensemble des acteurs impliqués dans la gestion de cette espèce, la France a déposé un plan pour 6 ans.
Le Syndicat Intercommunal d’Aménagement du Bassin de l’Arc (SABA) est engagé dans ce programme. Le peuplement piscicole de l’Arc aval est exclusivement cyprinicole. L’anguille est l’espèce dominante jusqu’au seuil de Moulin du Pont. Les pêches d’inventaires, réalisées au printemps 2011 en partenariat avec la Fédération de Pêche des Bouches-du-Rhône, nous ont permis de mieux connaître le peuplement piscicole de l’Arc aval. Les poissons ont été pêchés, mesurés, pesées puis relâchées dans l’Arc.
La double chute de Moulin du Pont
On retrouve beaucoup de barbeaux fluviatiles, de chevaines et de spirlin. Les espèces d’accompagnement sont le goujon, le hotu et la loche franche. L’anguille est l’espèce largement dominante jusqu’au Seuil de Moulin du Pont. Les densités échantillonnées sont élevées à l’aval de ce seuil. Par contre, à l’amont, il y a 13 fois moins d’anguilles. Le seuil de Moulin du Pont est le principal obstacle à la migration de l’anguille.
Le seuil de Moulin du Pont est particulier : c’est une double chute naturelle surmontée d’un vieux mur en pierre qu’ont bâti les anciens pour détourner les eaux de l’Arc et irriguer la plaine agricole de la Fare-les-Oliviers.
Par effet cumulatif, les anciens seuils présents sur l’Arc – et dans toute l’Europe ! – perturbent cette migration, et donc les possibilités de reproduction de l’espèce. A tel point que les stocks d’anguille ont considérablement chuté depuis 20 ans et que l’espèce est désormais classée en danger critique d’extinction… Si rien n’est fait, l’anguille disparaitra.
L’anguille dans son milieu
Les solutions consistent à « équiper » les seuils, c’est-à-dire installer des « passes à anguilles ». Ce sont des aménagements spécialement conçus pour cette espèce et qui utilisent ses capacités de « reptation » (l’anguille « rampe » comme un serpent sur des zones humides et rugueuses jusqu’à de fortes pentes). Lorsque les seuils n’ont plus d’usage, ils peuvent également être arasés pour restaurer totalement la continuité du cours d’eau.
Le projet du SABA est d’équiper les 7 seuils de passes pour la montaison et permettre à l’anguille de rejoindre la haute vallée de l’arc.
La centrale de la Marie Thérèse et l’anguille
Le projet de centrale hydro-électrique au seuil de la Marie Thérèse prévoit d’équiper le seuil d’une passe pour la montaison qui sera réalisé par le SABA et que nous entretiendrons. Pour la dévalaison, la centrale sera « ichtyo compatible », c’est-à-dire qu’elle permettra la descente des anguilles et autres espèces migratoires avec une passe à poisson.
Pour en savoir plus sur l’anguille, voici nos sources.
http://www.savoirs.essonne.fr/sections/histoires/les-anguilles-europeennes-ont-leur-route-du-rhum/
http://www.onema.fr/IMG/pdf/memento-sauvegarde-anguille-2.pdf