négaWatt et Croissance
Croissance non contrôlée de notre consommation d’énergie, épuisement des ressources naturelles, inégalités d’accès à l’énergie, dérèglement climatique, risque nucléaire, dépendance énergétique… de nombreux constats qui nous poussent à revoir en profondeur notre modèle énergétique, notre façon de consommer et de produire l’énergie. » Association négaWatt
La démarche de l’association négaWatt est simple et logique. Cependant nombreux sont ceux qui alertent sur un « risque de décroissance » avec un tel scénario. Et donc une « récession » de notre monde, plus de chômage, plus de pauvreté…
Après avoir présenté la démarche négaWatt, nous essaierons d’analyser ces craintes en réfléchissant à ce qu’est la « croissance » et à l’impact réel de cette vraie alternative.
La démarche négaWatt
Face aux défis que représentent le dérèglement climatique, l’épuisement des ressources et le risque d’un accident nucléaire, les fondateurs de l’Association négaWatt se sont donné pour objectif de montrer qu’un autre avenir énergétique est non seulement réalisable sur le plan technique, mais aussi souhaitable pour la société.
Classiquement, on n’envisage les besoins futurs en énergie que sous l’aspect « épuisement » inéluctable des énergies fossiles ». Il va donc falloir faire quelque chose, trouver des énergies de remplacement. Par exemple EDF, à la demande de l’état français, a étudié un scénario ou l’on doit construire 6 réacteurs EPR, type Flamanville, pour éviter la pénurie énergétique. Généralement, ces scénarios intègrent l’idée qu’il faut bien consommer l’énergie, d’où des plans d’économie d’énergie.
La démarche négaWatt repose sur 3 piliers.
- Prioriser les besoins énergétiques, la sobriété énergétique
- Diminuer la quantité d’énergie nécessaire pour les satisfaire, l’efficacité énergétique,
- Privilégier les énergies renouvelables pour leur faible impact sur l’environnement et leur caractère inépuisable. Ce sont des énergies de flux par opposition aux énergies de stock, fondées sur des réserves finies de charbon, pétrole, gaz fossile et uranium.
Dans tous les domaines comme le bâtiment, les transports, l’industrie, l’agriculture et l’alimentation… négaWatt porte des propositions de sobriété et d’efficacité énergétique. Quelques exemples :
Industrie
- Allonger la durée de vie des équipements, notamment par une augmentation de la durée légale de garantie.
- Favoriser le réemploi, avec par exemple la consigne du verre et de certains plastiques.
Transports
- Abandonner tout nouveau projet routier ou aéroportuaire au profit d’investissements massifs dans les transports en commun urbains et dans le réseau ferroviaire.
- Instaurer une taxe kilométrique sur le fret routier. Qui ne rêve pas de stopper le défilé incessant des camions sur les autoroutes…?
- Développer la filière des véhicules alimentés au gaz (fossile puis renouvelable) à travers des partenariats impliquant simultanément constructeurs de véhicules, distributeurs de carburants et gestionnaires de flottes de véhicules.
- Aménager le territoire pour favoriser le développement des modes alternatifs à la voiture individuelle (pistes cyclables, voies dédiées pour les transports en commun, aires de covoiturage, etc.).
Bâtiment
- La rénovation thermique performante de la quasi-totalité du parc immobilier existant. 780 000 logements et 27 millions de m² de surfaces tertiaires rénovés par an.
- L’obligation de réaliser des bâtiments neufs consommant très peu d’énergie, conçus avec des matériaux à faible énergie grise (bois, terre crue, isolants biosourcés, etc.)
- La généralisation systématique des appareils électriques les plus performants du marché.
Sur le même sujet vous pouvez lire les 2 articles que nous avons déjà publiés : « Mesurer sa consommation électrique pour réduire sa facture » et « Sobriété et Efficacité Énergétique ».
Le scenario négaWatt 2017-2050
En appliquant à grande échelle toutes ces mesures, négaWatt a construit un scénario qui prévoit à l’horizon 2050 une forte réduction de la consommation énergétique et un approvisionnement 100% renouvelable.
négaWatt prépare une mise à jour de son scénario pour 2022.
Stocker l’énergie électrique renouvelable
Fréquemment on pose le problème du non-stockage de l’énergie électrique, ce qui rendrait impossible un scenario 100% renouvelable. négaWatt propose d’utiliser 2 techniques que l’on maitrise très bien et depuis de très nombreuses années :
- La génération de gaz (hydrogène et méthane) pour stocker l’énergie électrique
- Et la cogénération pour déstocker.
Implanter localement, ces unités, qui CO-génèrent pourraient aussi alimenter des réseaux de chaleur locaux.
Et la décroissance, bordel !
Quand on entend néga(tion) on pense décroissance. Cette réflexion semble frappée du bon sens du café du commerce. C’est pourquoi il faut s’en méfier et prendre le temps d’analyser plus finement cette assertion.
Qu’est-ce que la croissance ?
La croissance, telle qu’on l’a définie aujourd’hui, c’est la progression d’un indicateur, le PIB ou Produit Intérieur Brut. Cet indicateur additionne les transactions réalisées pour quantifier la valeur totale de l’activité économique dans un territoire. Le produit intérieur brut est le principal indicateur de la mesure de la production économique réalisée à l’intérieur d’un pays. Et l’un des agrégats majeurs des comptes nationaux. Le PIB reflète donc l’activité économique interne d’un pays. Et la variation du PIB d’une période à l’autre est censée mesurer son taux de croissance économique.
Comme tout indicateur, il a une utilité. Il a été introduit en France après la deuxième guerre mondiale. Historiquement, il a permis de mesurer la reconstruction de l’économie européenne, la progression des économies asiatiques et leur sortie de la pauvreté… Avec le PIB, les gouvernements ont pu suivre et adapter leurs politiques pour mieux gérer ces périodes difficiles.
Comme tout indicateur dans un système humain, il a un défaut systémique. A partir d’un certain moment, le système s’adapte pour faire croitre l’indicateur qu’elle qu’en soit les conséquences. On a observé à de nombreuses reprises que cela peut même conduire à des effets contraires à l’objectif initial.
Prolonger/réparer les équipements
Quand votre réfrigérateur tombe en panne, vous avez 2 possibilités ; soit le réparer pour un coût de 200/300 euros, soit acheter un neuf pour 600/800 euros voire plus. Aujourd’hui, on privilégie l’achat d’un neuf. C’est hyper simple sur internet et on a des grandes surfaces spécialisées à tous les coins de rue. En revanche, il est plutôt difficile de trouver des pièces détachées qui sont vendues très chers par rapport au prix du neuf, et un réparateur performant.
Pour que le PIB croisse, il est préférable que le consommateur achète plutôt qu’il ne répare. En effet, une politique supportant la réparation ferait baisser le PIB au risque de la décroissance. Avec 2,8 millions de réfrigérateurs vendus chaque année, réparer au lieu d’acheter, ferait baisser le PIB de plus d’un milliard par an en France, rien que pour les réfrigérateurs.
De nombreux économistes associent croissance du PIB à création d’emploi. Cependant, si on poursuit notre exemple, on va éviter de construire un réfrigérateur en Asie. On n’importera qu’un compresseur mais il sera installé localement par un technicien qualifié. Et le bilan emploi ne sera pas forcément négatif.
A notre niveau, pour notre bien-être, c’est même plutôt bénéfique car on va économiser plusieurs centaines d’euros que l’on pourra consacrer à la satisfaction d’autres besoins ; se balader, manger de bons légumes, voir un beau film, boire une bière avec ses amis… ou économiser.
Il en va de même pour la prolongation de la durée de vie des équipements et les politiques contre l’obsolescence programmée ainsi que nombre des propositions de négaWatt.
Il ne faut donc pas craindre à priori une baisse du PIB. Mais plutôt réfléchir à ce qui est vraiment bon pour notre société et le mettre en œuvre. Cela entrainera des modifications profondes dans nos sociétés. Par exemple, les emplois de demain ne seront pas ceux d’aujourd’hui. Et ça ce n’est pas nouveau.
Le compte épargne
Le PIB, c’est un peu comme votre compte courant bancaire, il enregistre toutes les transactions. Cependant, vous avez aussi un compte épargne avec vos économies. Vous pouvez puiser (ou stocker) de l’argent dans le compte épargne pour acheter plus (ou moins) de biens ou de services.
Dans notre monde économique, les comptes épargnes ce sont par exemple les richesses naturelles comme le pétrole, les minerais… Certains états puisent massivement dans leur stock-épargne, cela gonfle leur PIB.
Les états n’utilisent pas d’indicateur économique qui intègre cette notion de compte épargne. Par contre chaque année, l’ONG Global Footprint Network calcule « le Jour du dépassement », le moment où l’on a consommé plus de richesse que ce que la terre peut produire. Celui ou l’on puise dans le compte épargne.
Pour un monde meilleur
Les limites du PIB comme indicateur économique exclusif, démontrent que la croissance ne peut-être un totem intouchable. Le scénario négaWatt a toute sa place pour construire un futur meilleur.
Sachez simplement que dans le monde entier des gens se mettent au travail et vivent comme il faudrait pour stabiliser l’augmentation de la température à moins de 2 degrés. En faisant cela ils se font des amis, s’amusent, créent des entreprises, mangent mieux, font des fêtes sympas, boivent de la meilleure bière, ont des factures d’énergies plus basses et se sentent faire partie de quelque chose d’historique » Rob Hopkins, fondateur du mouvement ville en transition